Les audiences en comité offriront l’occasion de raffiner l’approche du Canada.
« Ce sont de véritables retrouvailles », affirme Carla Graebner, présidente du Comité des bibliothécaires et des archivistes de l’ACPPU. « Il y a dix ans, une puissante coalition d’éducateurs a milité pour une politique du droit d’auteur progressiste et obtenu gain de cause. La réforme qui s’est ensuivie est maintenant menacée par les négociations sur le commerce international et par la révision prochaine de la Loi sur le droit d’auteur. L’heure est venue de réunir de nouveau les coalisés, et de protéger nos acquis. »
Ces acquis dont parle Mme Graebner sont le fruit du remplacement au Canada d’un régime de droit d’auteur centré sur l’éditeur par un régime qui accorde une reconnaissance égale aux droits des utilisateurs de matériel protégé par le droit d’auteur. Pour les professeurs, les étudiants et les chercheurs, le plus grand pas a été fait avec l’adoption du principe de l’utilisation équitable, défini comme le droit, dans certaines circonstances, d’utiliser des oeuvres littéraires et artistiques sans autorisation ni paiement. Prenant en compte les arguments du secteur de l’éducation qui s’était porté à la défense des utilisateurs, la Cour suprême et le Parlement ont opté pour une interprétation libérale de ce principe, selon laquelle il est permis d’utiliser, de partager et d’adapter à d’autres fins des oeuvres protégées par le droit d’auteur par des moyens pratiques et efficients. On s’en doute, ce nouveau point de vue n’a pas été bien accueilli par le milieu de l’édition.
« Ces changements sont effectivement dénoncés », déclare Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit d’internet et du commerce électronique, à l’Université d’Ottawa. « Access Copyright et des groupes d’éditeurs font activement pression sur le Parlement pour revenir en arrière, particulièrement en ce qui a trait à l’utilisation équitable. »
Selon lui, il est crucial que le personnel académique réinvestisse l’arène politique pour défendre les progrès accomplis, car, malgré certains reculs, les éditeurs n’ont pas baissé les bras. « Les professeurs et les bibliothécaires doivent absolument faire valoir à leurs députés, et au grand public, l’importance des changements apportés et les raisons pour lesquelles il faut les préserver. »
Le débat entrera dans une nouvelle phase à l’occasion de la révision obligatoire, par le Parlement, de la loi en 2017. « L’ACPPU se mobilise en prévision de cet événement », dit Mme Graebner. « Nous préparons du matériel et nous recontactons nos alliés traditionnels dans cette bataille, tels les groupes d’étudiants, les organismes de défense des consommateurs et nos collègues au sein des administrations des universités et des collèges. »
Elle indique que l’objectif sera, certes, la défense des acquis, mais que l’on passera aussi à l’attaque, pour revendiquer des changements dans les domaines où les demandes des éducateurs n’ont pas été satisfaites lors de la dernière réforme, comme le droit de contourner les dispositifs de verrouillage numérique à des fins légitimes.
En outre, M. Geist prévient que des forces internationales puissantes pourraient s’approprier la conversation sur le droit d’auteur.
« Notre débat national est important, mais les négociations sur le commerce international, comme l’Accord sur le Partenariat transpacifique (PTP), peuvent avoir des retombées négatives encore plus marquées sur le secteur de l’éducation, en particulier les pressions pour étendre la durée du droit d’auteur », soutient-il. « Il est vital de s’informer des tenants et aboutissants du PTP et de ses règles sur le droit d’auteur, afin d’inciter le gouvernement actuel, qui n’a pas négocié l’Accord, à y penser à deux fois avant de le ratifier. »