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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

septembre 2016

Entretien / Alison Hearn

Alison Hearn
[Adela Talbot / Western News]

Parlez-nous un peu de vous. Quels sont vos domaines d’enseignement et de recherche?

Je suis professeure agrégée à la faculté de l’information et des études médiatiques de l’Université Western. Mes recherches sont axées sur la télévision, les médias sociaux ainsi que les nouvelles formes de travail et de valeur économique. J’ai aussi rédigé des articles sur l’université et les changements structurels dont elle a fait l’objet au cours des dernières décennies.

L’an dernier, l’Université Western a fait les manchettes après que la liste « Sunshine » des employés du secteur public de l’Ontario eut dévoilé que le recteur Amit Chakma avait touché un salaire de près d’un million de dollars en un an. Comment le personnel académique de votre établissement a-t-il réagi à la nouvelle?

Eh bien, la nouvelle concernant la double rémunération du recteur Chakma s’est vite répandue. Je crois pouvoir dire que le personnel académique était vraiment furieux et qu’une vague de colère a déferlé sur le campus. Par un concours de circonstances, une assemblée générale de l’association du personnel académique avait été prévue juste après la publication de la liste. J’étais présidente de l’UWOFA à l’époque, et deux à trois fois plus de membres que d’habitude se sont déplacés pour assister à la réunion. Au cours de la séance, un membre a déposé une motion appelant l’UWOFA à tenir un vote de défiance à l’endroit du recteur et du président du conseil de l’Université. Le vote a été tenu et la motion a été adoptée par 94 % des membres.

Était-ce une question d’argent?

Notre préoccupation ne portait pas sur l’argent proprement dit, mais sur ce que signi-fi­ait le versement d’un million de dollars au recteur — un profond décalage entre les points de vue de la haute direction et du conseil et les réalités quotidiennes auxquelles nous sommes tous confrontés sur le terrain. Sa double rémunération était tellement déphasée par rapport à ce que vivent tous les autres membres de la communauté universitaire que la situation nous est apparue comme symptomatique d’une véritable dégradation de la gouvernance collégiale. De toute évidence, la collégialité devait s’être grandement effritée pour que le recteur et le conseil pensent réellement que personne ne s’opposerait au paiement versé. Ils croyaient que nous goberions ça sans broncher.

Pourquoi dites-vous cela?

À l’heure qu’il est, les membres du personnel académique sont très occupés et stressés, bon nombre d’entre eux n’ont pas l’énergie de s’impliquer, ou ils n’agissent pas, convaincus que les activités de service ne sont plus valorisées. Parce que les hauts diri­geants ont tendance à privilégier l’approche descendante dans leur mode de gestion, les membres du personnel académique qui souhaitent participer se sentent souvent rejetés et aliénés. Mais, étonnamment, tout le campus s’est mobilisé pour dénoncer le scandale « Chakma » parce que les contradictions étaient tout simplement trop évidentes pour qu’on puisse les ignorer.

Quels sont, selon vous, quelques-uns des principaux enseignements à tirer de ce scandale de gouvernance?

Ne jamais rien tenir pour acquis, toujours mobiliser ses troupes. Ne jamais présumer savoir ce que les gens pensent ni supposer que les gens ne sont pas prêts à agir. Chacun veut simplement faire le meilleur travail possible; chacun affronte tous les jours les conditions d’austérité sur le terrain. Il a fallu une mauvaise décision du recteur Chakma pour illustrer les contradictions de l’« aus­térité » : celle-ci existe pour certains et non pour d’autres. Le scandale « Chakma » a également mis en évidence le profond engagement des membres du corps acadé­mique, des étudiants et des employés envers leur université.

Quel est l’avenir de la gouvernance collégiale?

Certains disent que les syndicats en sont venus à supplanter les structures de la gouvernance collégiale traditionnelle, comme le sénat; ils soutiennent que le sénat est irrémédiablement défaillant et ils en impu­tent la faute aux syndicats. Je ne suis pas d’accord. Aujourd’hui, les membres du personnel académique doivent s’impliquer tant dans le sénat que dans leur syndicat. Les administrateurs aiment penser qu’ils sont au-dessus de toute responsabilité tout en exi­geant des comptes à tous les autres. Lee associations de personnel académique doivent les obliger à rendre des comptes, tout comme le font les membres du sénat.

Comment peut-on rétablir la collégialité sur nos campus?

Pour rétablir la gouvernance collégiale, il nous faut changer la culture. Tous et chacun de nous dans l’ensemble du campus devons réitérer notre engagement envers les processus de l’université et travailler à la refonte des structures de gouvernance, telles que le sénat, de sorte à les rendre le plus représentatives et démocratiques. Une solide gouvernance collégiale protège la liberté académique en faisant en sorte que les personnes directement engagées dans la réalisation de la mission fondamentale de l’université, à savoir l’enseignement et la recherche, soient appe­lées à en définir les paramètres, et que la liberté aca­démique protège le droit des membres du personnel acadé­mique de faire valoir leur point de vue lorsqu’ils craignent que la mission fondamentale de l’université ne soit menacée.