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Les très populaires sites de réseautage social ont ouvert un nouvel univers aux chercheurs pour élargir le dialogue public sur leurs travaux, mais aussi aux associations de personnel académique, pour les rapprocher de leurs membres, de la communauté et des étudiants. Durant la grève à l’Université du Manitoba, Twitter et Facebook ont été d’importants vecteurs de mobilisation.
« Les administrateurs nous suivaient sur Twitter et ont pu voir l’impact de notre campagne, dit Esyllt Jones, présidente du comité des communications de l’association du personnel académique à l’Université du Manitoba (UMFA). Nous avons produit nos propres flux d’information, avec d’autres mots-clics que ceux de l’administration. Cela a vraiment contribué à maintenir un ton surtout positif et un environnement amical pour nos abonnés, souvent des étudiants. »
Pour l’UMFA, Facebook et Twitter ont été des outils très utiles avant et pendant la grève, pour transmettre les tracts distribués quotidiennement sur les piquets de grève, les messages du président, les reportages des médias et les lettres de soutien. L’association a aussi présenté des contenus visuels sur ses pages Facebook et sur sa chaîne YouTube.
« Les membres de l’UMFA qui étaient déjà très actifs sur les médias sociaux passaient le mot et nous avons initié beaucoup de collègues à Twitter, affirme Mme Jones. Nos interventions sur les médias sociaux ont rejoint, au-delà de nos membres, des étudiants, des professeurs solidaires dans l’ensemble du pays et plein de gens autour de nous. »
Comme le rayonnement de l’imprimé et de la télévision s’affaiblit, il est avisé de se tourner vers les médias sociaux pour communiquer avec les utilisateurs de plus en plus nombreux des médias numériques. Les chercheurs académiques ne se priveront certainement pas d’exploiter cette tendance.
« Grâce aux médias sociaux, je peux non seulement recruter des sujets pour mes recherches, mais aussi leur transmettre directement mes résultats », dit Nathan Hall, professeur agrégé au département de psychopédagogie et de psychologie du counseling à l’Université McGill. En 2015, il a mené la plus importante étude jamais réalisée sur le stress et l’épuisement professionnel dans la communauté académique, sondant en ligne 9 000 professeurs et étudiants de cycle supérieur de 80 pays — qu’il avait rejoints sur son vaste réseau Facebook (430 000 abonnés) et Twitter (237 000 abonnés) grâce à une accroche efficace « Shit Academics Say » (
@AcademicsSay).
« La communauté académique est de plus en plus réceptive au partage et cette ouverture générale est constructive, à preuve l’intérêt accru pour les articles en libre accès, avance George Veletsianos, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’apprentissage novateur et la technologie et professeur agrégé à l’Université Royal Roads. Par contre, le nombre de vues et d’abonnés sont de piètres indicateurs de la valeur et de l’impact réels des chercheurs. »
Les universitaires étant plus présents sur les médias sociaux, l’enjeu de la liberté académique prend une toute nouvelle dimension. L’automne dernier, le professeur en études libérales à l’Université de New York Michael Rectenwald l’a ap-pris à ses dépens. Sous l’alias « prof de l’UNY déplorable » sur Twitter, il a dénoncé les « espaces sécuritaires » et les « mentions d’avertissement ». L’Université l’a alors « invité » à prendre un congé payé avant de se rétracter, devant le tollé suscité par cette décision.
« Les médias sociaux ne sont pas un lieu approprié pour faire valoir des idées complexes, mais ils sont très efficaces pour créer une identité commune et la solidarité, souligne Esyllt Jones. À l’UMFA, notre visibilité sur ces plateformes a démontré à l’administration notre mobilisation et notre enthousiasme. Cela a assurément joué un rôle important dans le climat de plaisir, de camaraderie, qui s’est créé. Ceux qui nous suivaient ont pu voir l’ampleur de l’appui donné à notre grève. Nous avons ainsi gardé un bon moral. Aujourd’hui, les médias sociaux font partie de notre boîte à outils. »