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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mai 2017

Entretien / Robert Chernomas

RobertChernomas

L’association du personnel académique de l’Université du Manitoba (UMFA) a fait la grève pendant 20 jours en novembre 2016. Le pro-fesseur d’économie Robert Chernomas en était alors à sa septième ronde de négociation à la tête de l’équipe de l’UMFA. Maintenant président de la Fédération des associations des professeurs universitaires du Manitoba, M. Chernomas a communiqué au Bulletin ses observations relativement à la grève.

Qu’est-ce qui a mené les membres de l’UMFA à la grève?
Les membres étaient en colère contre l’augmentation continue des charges de travail et le fait qu’ils avaient de moins en moins de temps pour s’acquitter adéquatement de leurs tâches d’enseignement, de recherche, de service et d’administration. Depuis trois ans, la direction de l’université im­posait d’importantes compressions aux facultés se traduisant, pour les membres, par des classes plus nombreuses, un nombre accru de cours à donner dans certains cas, et des tâches administratives sans cesse croissantes. En tant que corps professoral le moins bien rémunéré des 13 universités de médecine pour lesquelles nous avions des données, nous disions à la blague aspirer au 11e rang. Un examen attentif des finances de l’Université nous a montré que les coupes ne répondaient nullement à un manque de ressources, mais bien à la volonté des hauts dirigeants d’élargir leur rôle en publicité et marketing, et d’affecter une part croissante du budget d’exploitation à des projets d’immobilisations ou à ce que j’appelle leur « complexe d’édifices ».

Quels ont été les résultats de la grève?
Quand la direction s’est pliée à une deman­de, et non à une loi, du gouvernement conservateur de Brian Pallister, d’imposer une entente d’un an assortie d’une proposition salariale de 0 %, et a rejeté notre demande de libellé concernant la gouvernance et les charges de travail, nous avons déclenché la grève. Il nous a fallu 20 jours de grève pour enrayer la dégradation de nos rôles d’enseignement, de recherche et de service. Nous avons accepté une entente d’un an avec une augmentation salariale de 0 % en échange d’un nouveau modèle collégial de répartition de la charge de travail, semblable à celui de l’Université de la Saskatchewan, reposant sur la collaboration entre les doyens et les membres du corps profesoral. Nous nous sommes aussi battus pour l’ajout de clauses à ma con­nais­sance uniques au Canada qui encadrent l’usage de mesures du rendement, et avons obtenu la protection des droits académique liés à la permanence et à l’avancement professionnel.

Vous avez prononcé une allocution en mars à la conférence de la CUFA-BC sur la gouvernance universitaire au 21e siècle. Qu’avez-vous retiré de cette rencontre?
Un représentant de l’Association canadienne du personnel administratif universitaire nous a dit que c’est le rôle du conseil des gouverneurs de prendre les décisions financières et celui du sénat de prendre les décisions académiques. Le rôle des associations de personnel académique est de se plier, en tant qu’employés, aux exigences de l’entreprise. Les universitaires ayant pris la parole à la conférence ont confirmé les vues de l’UMFA selon lesquelles le conseil des gouverneurs, l’administration et le sénat ne protègent ni l’intégrité financière de nos universités, ni la gouvernance collégiale, ni la liberté académique. C’est à l’ACPPU, de concert avec les associations provinciales, les syndicats de personnel académique, les organisations étudiantes et d’autres syndicats sur les campus que revient actuellement la tâche de protéger l’intégrité de l’enseignement, de la recherche et du service à la communauté.

En tant que négociateur, comment motivez-vous vos membres?
Je prête d’abord une oreille attentive à leurs préoccupations. Ce sont eux qui me motivent. Nous avons tenu 35 assemblées départementales, 2 sondages, plusieurs rencontres avec notre conseil des délégués et des assemblées générales. Nous avons aussi communiqué régulièrement avec nos membres par voie électronique. Quand nous entamons un processus de négociation, je dis à nos membres que nous en­gageons un duel avec la direction, et que, dans ce jeu de pouvoir, notre succès repose sur leur appui massif à l’équipe de négociation. Notre seule façon d’obtenir l’attention de la direction, c’est de pouvoir affirmer que nous avons un appui ferme pour la liberté académique, des salaires justes et la gouvernance collégiale. Et cet appui, qui prend toujours la forme d’un vote de grève et, parfois, d’une grève, nous permet de bien faire comprendre nos prio­rités à la direction.

Qu’est-ce qui attend maintenant les membres de l’UMFA?
Nous entreprendrons bientôt de nouvelles négociations dans un climat dominé par un gouvernement qui prône l’austérité, une stratégie qui a provoqué des pertes d’emploi et sabré les services publics. Le gouvernement Pallister a déposé des mesures législatives qui imposent un gel salarial de quatre ans tout en ouvrant la voie à une augmentation marquée des droits de scolarité. Nos collègues de nombreuses provinces sauront exactement ce qu’il en est. Il faudra une solidarité avec les étudiants, d’autres syndicats et la com­munauté dans son ensemble pour renverser ces tendances. Il faudra aussi que nos membres réaffirment leur solidarité pour assurer le maintien des normes académiques et de la gouvernance collégiale.