Les universités et les collèges du Canada n’ont jamais été aussi importants. Pourtant, ces institutions traversent aujourd’hui l’une des périodes les plus difficiles de leur histoire. Plusieurs courants tels l’insuffisance du financement public, la précarisation, la privatisation, la marginalisation de la recherche fondamentale et de l’activité savante ainsi que le rétrécissement de l’espace accordé à la voix universitaire mettent en péril la qualité et l’intégrité mêmes du corps professoral, et sa capacité à servir l’intérêt public.
Au sein du personnel académique, ce sont nos collègues contractuels qui sont les plus touchés par ces bouleversements. Par suite de la croissance anarchique du travail intermittent à tous les niveaux du personnel académique, un nombre sans précédent de membres contractuels se trouvent aujourd’hui dans des situations extrêmement précaires, occupant des postes peu rémunérés. En fait, sur l’ensemble des secteurs de l’emploi au pays, l’éducation postsecondaire a aujourd’hui le triste honneur de faire partie du club des secteurs les plus frappés par la précarisation du travail. Dans certains établissements, la moitié, et même plus, de tous les cours du premier cycle sont donnés par des professeurs contractuels.
Évidemment, les employeurs préfèrent embaucher des travailleurs intermittents parce qu’ils ne coûtent pas cher et qu’ils sont vulnérables. En effet, en période de restrictions, ces travailleurs jouissent de peu de droits et sont peu protégés. Le personnel académique contractuel a pour seule protection les dispositions de sa convention collective, dont la négociation s’avère toujours ardue vu l’intérêt de l’employeur à continuer de disposer d’une main-d’oeuvre économique et flexible.
Alors que les droits des travailleurs et le processus de négociation collective font l’objet d’une attaque en règle au Canada, les membres contractuels du personnel académique sont ceux qui risquent le plus de perdre au change.
La syndicalisation et son corollaire, les droits du travail, sont des moyens incontournables pour mettre un terme à l’exploitation actuelle des universitaires contractuels, qui se traduit par l’absence de sécurité d’emploi ou une sécurité d’emploi minimale (ce qui fragilise la liberté académique de ces travailleurs); la non-participation à un régime de soins de santé ou de retraite; l’impossibilité d’obtenir une assistance ou du financement pour les activités savantes ou les activités de service; l’absence d’une aide au perfectionnement professionnel; et un accès tout au plus limité à des bureaux et à du matériel.
Par la nature même de leurs contrats, ces membres ne peuvent participer pleinement à tous les aspects du travail académique. Ils n’ont droit à aucune rémunération pour les activités savantes ou les activités de service, alors que celles-ci sont pourtant reconnues comme faisant partie des fonctions académiques. Malgré cela, ils sont tenus implicitement d’exercer ces activités pour maintenir leurs titres et compétences à la hauteur des critères de permanence, au cas où un poste menant à la permanence se libérerait. Par conséquent, les universitaires contractuels accomplissent ces activités en dehors de leurs heures de travail, faisant ainsi bénéficier le milieu académique de leurs efforts sans aucune reconnaissance ni rémunération en retour.
Certaines associations de personnel académique ont amélioré la situation de leurs membres par la négociation collective. Des établissements ont accepté d’intégrer dans les conventions collectives des dispositions qui prévoient des échelles de rémunération à progression continue, et des contrats renouvelables de plus longue durée qui assurent au personnel une certaine sécurité. D’autres ont adopté des dispositions sur l’ancienneté et le droit de rappel. À quelques endroits, le personnel académique contractuel est admissible à des subventions pour les activités savantes et les activités de recherche ainsi qu’à un soutien au perfectionnement professionnel. Mais dans l’ensemble, la situation du personnel académique contractuel dans ce pays laisse encore à désirer.
En fin de compte, la négociation collective a été, et demeurera, l’outil le plus efficace pour améliorer les conditions de travail du personnel académique contractuel. Les associations de personnel académique au pays ne doivent ménager aucun effort à la table de négociation pour réaliser des gains au nom de leurs membres contractuels. En particulier, le corps professoral tout entier doit comprendre que l’énergie déployée par les associations profitera à l’ensemble du milieu académique.
Comme je l’ai indiqué le mois dernier,
les instruments mis à notre disposition par le droit du travail pour protéger les conditions de travail et les droits de nos membres font l’objet d’attaques virulentes sur les fronts économique et législatif, à l’échelle nationale et provinciale. Les lois du travail en vigueur sont battues en brèche et de nouvelles viennent encadrer indûment nos actions collectives, compromettant l’exécution du mandat de représentation et de négociation collective que nous ont donné nos membres.
Si les instruments sur lesquels nous nous appuyons depuis longtemps nous font défaut, il sera difficile de simplement protéger les gains acquis de haute lutte pour tous les membres au cours des ans. Réaliser d’autres avancées dans ce contexte sera encore plus difficile. Quant à faire progresser le dossier du personnel académique contractuel tout particulièrement (…) cela sera pratiquement impossible.
Le message de mon article en septembre était simple : la défense collective du mouvement syndical au Canada est la seule voie à suivre pour assurer la survie du processus de négociation collective. Mon message ce mois-ci est tout aussi simple : particulièrement à des époques aussi intenses que la nôtre, il est essentiel de veiller à ce que les plus vulnérables d’entre nous soient protégés et traités équitablement. Les conditions préalables à la réussite des actions en ce sens sont, sans surprise, des lois du travail fortes et des droits à la négociation collective solidement ancrés.
Les changements apportés récemment à la Loi sur l’assurance-emploi montrent bien comment une modification législative fondée sur des motifs économiques peut toucher un groupe de membres en particulier. Les contractuels académiques ont couramment recours aux prestations d’assurance-emploi entre deux contrats. Toutefois, en vertu des nouvelles règles du jeu, ces travailleurs seront vraisemblablement considérés comme des « prestataires fréquents », et ainsi obligés d’accepter un emploi dans d’autres secteurs que le leur, à un salaire jusqu’à 30 % inférieur à leur rémunération à titre de contractuels académiques.
Alors que la Semaine de l’équité en matière d’emploi se tiendra partout au pays vers la fin du mois, nous devons tous réaffirmer notre engagement à négocier de meilleures conditions de travail pour les membres contractuels du personnel académique. Ce qui est mauvais pour les plus vulnérables d’entre nous l’est aussi pour nous tous, et ceci n’est pas un cliché. Engageons-nous d’abord à tendre la main à tous les autres syndiqués au pays pour repousser les attaques que subit en ce moment le mouvement syndical au Canada. Si nous sommes déterminés à améliorer le sort de nos membres contractuels, il est essentiel de protéger les droits des travailleurs.
La Semaine de l’équité en matière d’emploi est un événement annuel qui vise à attirer l’attention générale sur la situation du personnel académique contractuel sur nos campus. Elle a pour thème l’équité, la justice et la reconnaissance à l’égard de ces travailleurs. Je vous invite à noter les activités qui se dérouleront sur votre campus à cette occasion. S’il n’y en a pas, je vous encourage fortement à communiquer avec votre association pour en organiser quelques-unes.